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Tire-t-on le plein potentiel des biothérapies?

L’introduction d’un médicament coûteux en Ontario n’a pas abaissé les taux d’hospitalisation et de chirurgie des patients atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin

le 13 juin 2019

le Dr Sanjay Murthy, principal auteur de l’étudele Dr Sanjay Murthy, principal auteur de l’étudeLa première biothérapie approuvée pour traiter les maladies inflammatoires de l’intestin (MII), l’infliximab (Remicade), n’a pas fait baisser les taux d’hospitalisation ou de chirurgie intestinale chez les patients atteints d’une MII en Ontario, d’après une étude publiée par des auteurs affiliés à plusieurs hôpitaux canadiens et à l’ICES dans la revue Gut.

Les auteurs ont étudié les tendances en ce qui concerne les coûts d’hospitalisation, de chirurgie et de médicaments des personnes atteintes de la maladie de Crohn ou de colite ulcéreuse (les deux MII) vivant en Ontario de 1995 à 2012. Ils ont comparé les tendances observées après l’introduction de l’infliximab en Ontario à celles attendues en son absence.

L’infliximab est un traitement par anticorps (anti-TNF) qui bloque l’inflammation dans l’intestin et d’autres organes. Utilisé pour traiter une variété de maladies inflammatoires, il est disponible en Ontario pour traiter la maladie de Crohn depuis 2001 et la colite ulcéreuse depuis 2006.

Les chercheurs n’ont constaté aucune diminution significative des taux d’hospitalisation ou de chirurgie liés à la MII chez les personnes atteintes de la maladie Crohn qui ont reçu de l’infliximab, par comparaison aux tendances prévues pour les traitements conventionnels. Les taux d’hospitalisation ont toutefois diminué après l’introduction de l’infliximab chez les personnes atteintes de colite ulcéreuse.

« Il est décevant de constater de tels résultats pour un traitement qui s’est pourtant révélé utile lors des essais cliniques pour réduire les taux d’hospitalisation et de chirurgie chez les personnes atteintes d’une MII », affirme le Dr Sanjay Murthy, principal auteur de l’étude, spécialiste des MII et scientifique adjoint à L’Hôpital d’Ottawa. « Nous nous attendions à voir une diminution plus importante de ces événements indésirables qui sont courants chez les personnes atteintes d’une MII sévère. Nous devrions donner ce traitement précisément à ces personnes à un stade précoce de la MII pour prévenir l’hospitalisation et la chirurgie. »

L’étude ne portait pas sur l’incidence du traitement sur d’autres résultats importants pour la santé, par exemple, la qualité de vie ou l’assiduité ou la productivité au travail.

« Les cliniciens ont constaté à quel point le traitement anti-TNF peut alléger les symptômes des patients et, dans bien des cas, mener à une guérison complète de l’intestin », poursuit le Dr Murthy, qui est aussi professeur adjoint à l’Université d’Ottawa. « Le médicament aide clairement des gens. Nous ne constatons toutefois pas certains des importants résultats auxquels nous nous attendions à grande échelle. Nous devrons peut-être améliorer la façon dont nous l’utilisons dans la pratique clinique afin d’en tirer de plus grands bienfaits. »

Environ 270 000 Canadiens vivent avec une MII. Le taux de MII est à la hausse au Canada et partout dans le monde. Le coût direct des soins connexes au Canada est estimé à 1,28 milliard de dollars par année. Les événements indésirables les plus importants qui peuvent en découler sont une hospitalisation à la suite d’une complication grave et une chirurgie de résection pour enlever l’intestin malade qui résiste au traitement.

L’étude montre en outre que le coût moyen par patient des médicaments contre la MII a augmenté considérablement depuis l’introduction de l’infliximab, surtout chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn. Pour celles prenant de l’infliximab, le coût moyen annuel des médicaments couverts par le régime public est passé d’environ 1 000 $ avant l’introduction de l’infliximab en 2001 à plus de 14 000 $ en 2012. Pour les personnes atteintes de colite ulcéreuse prenant de l’infliximab, le coût moyen des médicaments est passé d’environ 2 500 $ avant l’introduction de l’infliximab en 2006 à plus de 10 000 $ en 2012.

Les chercheurs estiment que 25 % des patients atteints de la maladie de Crohn et 8 % de ceux atteints de colite ulcéreuse auront reçu de l’infliximab d’ici la fin du suivi de leur étude. Les traitements anti-TNF sont beaucoup plus coûteux que les traitements conventionnels des MII. Cette classe de médicaments représente la plus grande proportion des dépenses (8,7 %) dans le régime public de médicaments au Canada.

Quels facteurs pourraient limiter l’efficacité du traitement à grande échelle? Les chercheurs ont émis différentes hypothèses : administration du médicament à un mauvais candidat, début du traitement repoussé parce que la gravité de la maladie n’est pas diagnostiquée ou l’accès au traitement est difficile et mauvaise optimisation de la dose. Les critères de remboursement des régimes d’assurance publics et privés pourraient aussi entraver l’accès au traitement en temps opportun.

Les chercheurs ont toutefois noté des diminutions persistantes dans les taux d’hospitalisation et de chirurgie intestinale des personnes atteintes d’une MII bien avant l’introduction de l’infliximab, ce qui pourrait indiquer que les traitements conventionnels étaient de plus en plus efficaces. Les taux annuels de résection de l’intestin étaient en outre peu élevés chez cette population de patients en Ontario lors de l’introduction de l’infliximab – environ 4 % des patients atteints de la maladie de Crohn et 2 % de ceux atteints de colite ulcéreuse – ce qui laissait peu de place à l’amélioration.

« Le fait que le traitement n’ait pas d’incidence sur les taux d’hospitalisation ou de chirurgie des personnes atteintes d’une MII en Ontario peut être décevant, mais cela ne signifie pas que des patients n’en bénéficient pas individuellement, précise le DMurthy. Il faut approfondir la recherche pour examiner son incidence sur la qualité de vie et la productivité au travail et brosser un tableau d’ensemble de ses effets en Ontario et dans d’autres provinces. Nos résultats suggèrent qu’il faut aussi mieux renseigner les cliniciens et les patients pour tirer le plein potentiel de ce traitement. »

Référence : Sanjay K. Murthy, Jahanara Begum, Eric I. Benchimol, Charles N. Bernstein, Gilaad G. Kaplan, Jeffrey D. McCurdy, Harminder Singh, Laura Targownik et Monica Taljaard. « Introduction of Anti-TNF Therapy has not Yielded Expected Declines in Hospitalisation and Intestinal Resection Rates in Inflammatory Bowel Diseases: a Population-Based Interrupted Time Series Study », Gut, 13 juin 2019. [doi:10.1136/gutjnl-2019-318440]

Financement : Il est possible de réaliser de la recherche à L’Hôpital d’Ottawa grâce aux généreux dons faits à la Fondation de l’Hôpital d’Ottawa. L’étude était aussi financée par le Département de médecine de l’Université d’Ottawa et les Instituts de recherche en santé du Canada. L’étude était soutenue par l’ICES, qui reçoit une subvention annuelle du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario.

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