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Économie importante de sang : prélever moins de sang pour les analyses diminue les transfusions de sang aux Soins intensifs


le 12 octobre 2023

Dr. Deborah Siegal« Cet essai montre que nous pouvons économiser une transfusion de sang par 10 patients en soins intensifs en faisant la transition aux tubes de prélèvement de faible volume », dit la Dre Deborah Siegal. Photo par Melanie Mathieu.Un essai clinique inédit dans le monde publié dans la revue JAMA montre une solution qui permettrait facilement d’économiser des dizaines de milliers d’unités de sang chaque année au Canada et bien plus ailleurs dans le monde. Portant sur plus de 27 000 patients admis dans 25 unités de soins intensifs pour adultes au Canada, l’essai montre qu’en prélevant à l’aide de tubes de volume faible moins de sang à analyser, on économise au moins une transfusion par 10 patients.

La plupart des hôpitaux utilisent des tubes de taille classique qui tirent automatiquement entre quatre et six millilitres (mL) de sang. Or, les analyses en laboratoire nécessitent normalement moins de 0,5 mL de sang, ce qui signifie que le restant (plus de 90 %) est jeté. Les tubes de faible volume du marché tirent automatiquement jusqu’à deux fois moins de sang.

« Bien que la quantité de sang prélevée par tube soit relativement faible, les patients admis aux soins intensifs subissent habituellement de multiples prélèvements de sang plusieurs fois chaque jour. Cumulés, ces prélèvements représentent une perte de sang importante qui contribue à l’anémie ou à un faible taux de globules rouges. Les patients en soins intensifs ne peuvent pas augmenter leur production de globules rouges pour compenser cette perte de sang et doivent souvent recevoir une transfusion pour y remédier », affirme l’auteure principale de l’article et directrice de l’essai, la Dre Deborah Siegal, scientifique et hématologue à L’Hôpital d’Ottawa. Le Population Health Research Institute (PHRI) à Hamilton, affilié à l’Université McMaster et au Hamilton Health Sciences, a assuré la coordination, le parrainage et le financement de l’essai.

« Cet essai montre que nous pouvons économiser une transfusion de sang par 10 patients en soins intensifs en faisant la transition aux tubes de prélèvement de faible volume », dit la Dre Siegal, qui cumule des fonctions à l’Université McMaster, au PHRI et à l’Université d’Ottawa. « Alors que tout le monde cherche à assurer des soins de santé plus durables et à préserver notre approvisionnement en produits sanguins, cette étude offre une solution simple dont la mise en œuvre n’entraîne ni coûts supplémentaires ni conséquences négatives. Les patients compris dans notre étude ont reçu plus de 36 000 transfusions de sang. Avec les tubes de faible volume, nous aurions pu économiser quelque 1 500 unités de sang. »

Au Canada, les coûts associés aux transfusions de sang (450 $ par unité, plus les coûts engagés par les hôpitaux pour l’analyse, la préparation, la conservation, etc.) sont pris en charge par le système de santé publique. Les donneurs de sang ne sont pas rémunérés, et la conservation du sang est une priorité en raison des pénuries courantes.

L’étude révèle aussi des retombées majeures pour les patients. Un faible taux de globules rouges (anémie) peut occasionner de la fatigue et de la faiblesse chez le patient ainsi que d’autres complications et une hospitalisation prolongée. Même si les transfusions de sang corrigent habituellement l’anémie, elles peuvent causer des effets secondaires rares tels que des difficultés respiratoires, des réactions allergiques et des infections.

L’essai a ceci de novateur qu’il répartit de manière aléatoire les petits tubes de prélèvement ou les tubes classiques dans différentes unités de soins intensifs sur différentes périodes, avant de les intervertir. Les chercheurs ont consulté des dossiers médicaux électroniques pour répertorier le nombre de transfusions sanguines données à chaque patient, à l’exclusion des patients qui sont restés moins de 48 heures à l’Unité de soins intensifs.

Alors que d’autres études observationnelles ont soutenu l’utilisation des petits tubes, cet essai clinique est le premier à en faire une étude rigoureuse en milieu hospitalier. En plus d’avoir montré que les petits tubes diminuent l’anémie et le recours aux transfusions de sang, l’essai confirme que les volumes de sang plus faibles ne nuisent pas aux analyses en laboratoire. Quand les chercheurs ont exclu les résultats compilés au plus fort de la pandémie (données sur cinq mois), les tendances étaient les mêmes, sans toutefois atteindre une signification statistique.

Référence complète : Small-Volume Blood Collection Tubes to Reduce Red Blood Cell Transfusion in the Intensive Care Unit:  A Randomized Clinical Trial (JAMA). 12 Oct 2023. Deborah M. Siegal, Emilie P. Belley-Cote, Shun Fu Lee, Stephen Hill, Frédérick D’Aragon, Ryan Zarychanski, Bram Rochwerg, Michaël Chassé, Alexandra Binnie, Kimia Honarmand, François Lauzier, Ian Ball, Waleed Al-Hazzani, Patrick Archambault, Erick Duan Kosar Khwaja, François Lellouche, Paul Lysecki, François Marquis, Jean-François Naud, Jason Shahin, Jennifer Shea, Jennifer L.Y. Tsang, Han Ting Wang, Mark Crowther, Donald M. Arnold, Emily Di Sante, Gladys Marfo, Tanya Kovalova, Sylvanus Fonguh, Jessica Vincent, Stuart J. Connolly. Post-embargo link : https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/10.1001/jama.2023.20820?guestAccessKey=2ed7c03e-e7ce-427d-bafb-1ec5d60c5cd5&utm_source=For_The_Media&utm_medium=referral&utm_campaign=ftm_links&utm_content=tfl&utm_term=101223

Financement : L’étude STRATUS (Small-Volume Tubes to Reduce Anemia and Transfusion - NCT03578419) était financée par la Hamilton Academic Health Sciences Organization et le Population Health Research Institute (PHRI), qui en a assuré la coordination. La Dre Siegal reçoit actuellement un soutien financier d’une Chaire de recherche du Canada (niveau 2) sur le traitement anticoagulant des maladies cardiovasculaires, en plus d’autres subventions de recherche.

Quelques chiffres :

  • 97 : Pourcentage de patients atteints d’anémie après 8 jours aux soins intensifs
  • 50 : Pourcentage de transfusions données aux soins intensifs en l’absence d’un saignement actif
  • 41 : Quantité de sang (en mL) prélevée par patient par jour aux Soins intensifs pour des analyses de routine (équivalent à un don de sang complet tous les 8 jours)
  • 75 : Pourcentage de patients qui reçoivent au moins une transfusion de sang dans les 7 jours suivant une admission aux Soins intensifs (40 % de tous les patients aux Soins intensifs)
  • 450 $ : Coût d’une unité de sang au Canada (n’inclut pas les coûts indirects associés au dépistage, à la préparation, à la conservation, à l’administration et aux réactions)
  • 90 : Pourcentage de sang gaspillé dans les analyses de laboratoire de routine
  • 10 : Unités de sang qui pourraient être économisées par 100 patients hospitalisés aux Soins intensifs pendant plus de 48 heures si les résultats de l’étude étaient mis en œuvre