« Chaque jour est un combat » : Une nouvelle étude analyse l’efficacité d’une application numérique dans le traitement des personnes aux prises avec la COVID de longue durée

Des chercheurs à l’Hôpital d’Ottawa et à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa étudient l’efficacité d’une plateforme numérique de santé visant à aider les gens à se rétablir du syndrome post COVID-19, ou COVID-19 de longue durée.

En bref

L’enjeu

La COVID de longue durée, aussi désignée syndrome post-COVID, peut rendre pratiquement impossibles des tâches simples, certains modes de vie et le travail. Pourtant, bon nombre de personnes atteintes de la COVID de longue durée doivent attendre des mois, voire même plus d’un an, avant d’être traitées.

La recherche

Une équipe de recherche de l’Hôpital d’Ottawa, menée par le Dr Simon Hatcher, évalue actuellement l’efficacité de l’ajout d’une application de santé aux rencontres habituelles avec un conseiller en santé pour améliorer les résultats chez les personnes aux prises avec la COVID de longue durée.

Les retombées

Si la plateforme numérique de santé s’avère un succès, elle pourrait rapidement être déployée partout au pays, offrant une possibilité de réadaptation virtuelle personnalisée aux personnes atteintes de la COVID de longue durée.

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Ben Smith menait une belle vie. Depuis des années, ce fonctionnaire fédéral occupait un emploi stimulant qui lui permettait de voyager partout dans le monde.

« Chaque jour, je me levais à 7 heures et me couchais à 23 heures, raconte-t-il. J’étais en forme, et jamais je n’arrêtais de bouger, réfléchir et travailler. »

Puis, en mars 2020, tout a basculé. Ben, qui a demandé à ce qu’on modifie son nom pour des raisons de confidentialité médicale, avait alors 62 ans. Il voyageait en Europe quand la COVID a frappé. Il a contracté le virus dès la première vague, alors qu’il était à l’étranger.

« Dans la ville où j’étais, les ambulances sillonnaient les rues à toute allure. Je n’arrivais pas à dormir, se rappelle-t-il. Tous les jours, le nombre de décès augmentait. C’était terrifiant d’être seul! »

Ses symptômes étaient légers, et cinq jours plus tard, il se sentait déjà mieux. « Je croyais que c’était terminé. Je ne me doutais pas que j’en ressentirais encore les effets des années plus tard. »

Les répercussions au quotidien de la COVID de longue durée

Ben n’a jamais retrouvé sa belle énergie après avoir eu la COVID, mais s’expliquait le phénomène par le fait qu’il était confiné à la maison comme le restant du monde. Un an plus tard, en mars 2021, son épuisement a commencé à dégénérer.

« Je m’endormais à mon bureau en plein jour, raconte-t-il. J’étais incapable de marcher 15 minutes pour me rendre au bureau. J’appelais plutôt un taxi. Et il fallait que je retourne à la maison l’après-midi pour faire une sieste. »

Il ne souffrait pas uniquement de fatigue physique : il ressentait aussi des effets psychologiques. « C’était comme si un trouble de stress post-traumatique s’emparait lentement de moi. Je souffrais d’anxiété grave. » 

Son médecin de famille a diagnostiqué une COVID de longue durée, aussi désignée syndrome post-COVID, et l’a déclaré inapte à travailler. Au cours des mois suivants, Ben a cherché du soutien pour les gens atteints de la COVID de longue durée – une recherche qui l’a mené à l’Hôpital d’Ottawa.

Un essai contrôlé randomisé évalue l’efficacité d’une plateforme numérique de santé dans le traitement de la COVID de longue durée

Ben Smith a découvert un programme de réadaptation post-COVID novateur à l’Hôpital d’Ottawa, qui propose du soutien physique, psychologique et social aux personnes atteintes de la COVID de longue durée. La demande pour ce service étant élevée, on lui a dit que la liste d’attente s’étirait sur des années.

« Notre système de santé n’est toujours pas prêt à répondre aux besoins des personnes atteintes de la COVID de longue durée ni à leur fournir les services nécessaires », déplore le Dr Vicente Corrales Medina, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital d’Ottawa, ajoutant qu’au cours des 22 derniers mois, il a rencontré plus d’une centaine de ces patients qui cherchaient de l’aide.

Dr Simon Hatcher

Une équipe de chercheurs de l’Hôpital a donc décidé de déterminer quels traitements seraient les plus efficaces pour guérir la COVID de longue durée. Ainsi, en septembre 2022, le Dr Simon Hatcher, psychiatre et chercheur à l’Hôpital d’Ottawa, a lancé l’essai contrôlé randomisé Enhancing Covid Rehabilitation with Technology (ECORT) [Améliorer la réadaptation des patients atteints de la COVID par la technologie], bénéficiant d’une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada dans le cadre de leurs initiatives de recherche sur la COVID-19. L’étude visait à répondre à la question : parmi les gens atteints de la COVID de longue durée, l’ajout d’une plateforme numérique de santé aux soins habituels permet-il d’obtenir une amélioration des résultats après trois mois?

« Chacun des participants de l’étude rencontre un conseiller en santé, en personne ou à distance, pour l’aider à gérer ses symptômes, explique le Dr Hatcher, qui est également professeur à l'Université d'Ottawa. Dans le cadre de l’essai contrôlé randomisé, la moitié des participants ont également accès à une application sur la santé et le bien-être, qu’ils peuvent synchroniser avec leurs différents appareils. L’application leur permet de mesurer leur cheminement, d’établir des objectifs physiques et sociaux et de coordonner les soins auprès de leur médecin de famille et de spécialistes, tout en leur fournissant des renseignements à propos de leurs symptômes. »

Si l’application s’avère efficace, le Dr Hatcher est d’avis qu’elle pourrait être rapidement déployée partout au pays, ce qui aiderait des milliers de personnes aux prises avec la COVID de longue durée.

Il précise que l’objectif de ce traitement de 12 semaines, accompagné ou non de la plateforme numérique, est d’aider les personnes atteintes de la COVID de longue durée à casser le moule du rétablissement en dents de scie.

« Souvent, nous voyons des patients qui ont tendance à en faire trop lors de leurs bonnes journées pour compenser les creux. Puis, les jours suivants, ils se sentent horriblement mal, raconte le médecin. Avec cette étude, nous essayons d’aider les gens à modérer leurs efforts et à surveiller leur corps, leurs émotions et leurs symptômes de façon plus précise. Nous souhaitons savoir si l’ajout de l’application favorise davantage l’atteinte de cet objectif, par rapport au seul recours aux rencontres habituelles avec un conseiller en santé. »

Résultats préliminaires

Dr Shawn Marshall

Les résultats préliminaires de l’étude sont positifs, mais le Dr Shawn Marshall, spécialiste en physiatrie et réadaptation à l’Hôpital d’Ottawa qui a contribué à l’élaboration de l’étude avec le Dr Hatcher, appelle à la prudence.

« Nous avons remarqué que les participants ont plus de facilité à gérer leurs symptômes et qu’ils sont plus fonctionnels, mais certains ne sont toujours pas aptes à retourner au travail ou à reprendre leurs activités, fait remarquer le Dr Marshall. Il ne s’agit pas d’un remède. »

Ben Smith a participé à l’essai randomisé du Dr Hatcher et a été sélectionné pour avoir accès à l’application en plus de l’encadrement d’un conseiller en santé. Il considère que les modules d’entraînement numériques l’ont aidé à gérer ses activités quotidiennes et à travailler sur ses barrières psychologiques et émotionnelles. Cependant, il considère que les rencontres individuelles avec le conseiller en santé lui ont été plus utiles.

Le Dr Hatcher n’est pas convaincu lui non plus que la plateforme numérique est la meilleure solution pour traiter la COVID de longue durée. Dans tous les cas, il espère que l’étude saura éclairer son équipe sur la valeur de cette méthode, et l’aider à déterminer si elle est économique et applicable à d’autres maladies chroniques.

Mettre un terme à la stigmatisation

Ben Smith, maintenant âgé de 64 ans, est inquiet que sa famille et ses collègues le considèrent comme inemployable s’ils apprennent qu’il est atteint de la COVID de longue durée. Il espère que plus d’argent sera investi dans des projets de recherche comme celui du Dr Hatcher.

« Même aujourd’hui, des années plus tard, chaque jour est un combat pour moi, confie Ben, au bord des larmes. Ce n’est pas seulement une question de protéger les gens contre la COVID, mais aussi de ne pas laisser derrière ceux qui en subissent les séquelles. Tout ce que nous souhaitons, c’est de retrouver la personne que nous étions avant. »

Apprenez-en davantage sur les initiatives de recherche sur la COVID-19 des IRSC.

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