Le Dr Jess Fiedorowicz met en lumière la santé mentale grâce à ses travaux et à ses recherches à L’Hôpital d’Ottawa. Originaire des États-Unis, le Dr Fiedorowicz travaille à notre hôpital depuis 2020 en tant que chef et directeur du Département de santé mentale. Il est également professeur et titulaire principal d’une chaire de recherche à l’Université d’Ottawa et scientifique à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa. De plus, il est rédacteur en chef du Journal of Psychosomatic Research et membre du comité consultatif sur les traitements psychopharmacologiques du Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques (FDA) et occupe toujours un poste de professeur auxiliaire à l’Université d’Iowa, où il continue de collaborer à l’étude du trouble bipolaire avec des collègues.

Q: Quand avez-vous réalisé que vous vouliez devenir médecin? Qu’est-ce qui vous a amené à vous spécialiser en psychiatrie et en santé mentale?

A: Je m’intéresse à la médecine depuis que je suis tout jeune. Au secondaire, je prenais les appels la nuit au service médical d’urgence bénévole de ma localité, baptisé Coleman Area Rescue Squad. J’avais épinglé à mon poste de travail une image un peu chiffonnée tirée de l’essai photographique Country Doctor de W. Eugene Smiths, découpée dans le magazine LIFE. J’ai maintenant une impression sur toile de cette photo sur le mur de mon bureau. J’ai développé un intérêt pour la psychiatrie au milieu de mes études en médecine. De toutes mes années d’étude et de formation en médecine, mes deux premières années (non cliniques) d’école de médecine sont les seules que je n’ai pas aimées du tout, pour être honnête. Lors de ma première expérience clinique à l’école de médecine, à la fin de ma deuxième année, je devais faire des entrevues avec des patients du centre de santé mentale du comté de Milwaukee (Milwaukee County Mental Health Complex). Cette expérience a ravivé ma passion pour la médecine. Le premier patient que j’ai interviewé était atteint de schizophrénie et même si j’avais déjà un diplôme de premier cycle en psychologie, c’est cette rencontre qui m’a amené à envisager pour la première fois une carrière en psychiatrie. Plus tard, lors d’un stage en médecine interne – un domaine que j’aimais aussi –, j’ai cherché à travailler avec un patient atteint de schizophrénie qui avait été hospitalisé en raison d’une fièvre inexpliquée. Ce cas, ainsi que d’autres, m’a permis de constater que les patients atteints de troubles mentaux ne recevaient pas la même attention ni la même qualité de soins médicaux que les patients des autres services hospitaliers. Mon intérêt pour la psychiatrie et les soins médicaux en général aux patients atteints de troubles mentaux est resté intact depuis le début de ma carrière en médecine clinique et en recherche.

Q: Puisque vous êtes au Canada depuis assez peu de temps, pouvez-vous nous dire en quelques mots pourquoi vous avez choisi de travailler à L’Hôpital d’Ottawa?

A: La recherche, en particulier la recherche axée sur l’innovation pratique, fait partie de la longue tradition de L’Hôpital d’Ottawa. C’est ce qui m’a interpellé, car mes recherches n’ont de valeur que si elles peuvent changer la vie des gens. Puisque je m’intéresse autant aux soins psychiatriques qu’aux soins généraux offerts aux patients atteints de problèmes de santé mentale, je sentais qu’ici, j’avais des occasions concrètes de former des équipes interdisciplinaires qui se pencheraient sur des questions de recherche portant sur la santé mentale et les personnes qui vivent avec des troubles mentaux.

Q: Vous avez instauré au sein du département une approche interdisciplinaire et axée sur la recherche collective. Dans cette optique, comment L’Hôpital d’Ottawa pourra-t-il se démarquer dans les domaines de la psychiatrie et de la santé mentale dans la prochaine année?

A: Nous privilégions des ensembles, ou équipes interdisciplinaires, qui rassemblent des chercheurs en santé mentale et des représentants d’autres disciplines, y compris d’autres domaines médicaux. Nous avons recruté des chercheurs talentueux en milieu de carrière et nous formerons des médecins en début de carrière qui s’intéressent à la recherche. Nous restructurons nos postes pour permettre aux professionnels de consacrer du temps à la recherche et à d’autres travaux scientifiques, grâce à un plan de mentorat et d’encadrement.

Q: Comment le soutien de la collectivité à la recherche peut-il contribuer à aider les patients atteints du trouble bipolaire?

A: Non seulement le soutien de la collectivité, mais aussi l’engagement de celle-ci peuvent répondre directement à certaines priorités et permettre de trouver des projets qui peuvent vraiment transformer la vie des gens. Pour la Fin de semaine des courses virtuelles Tamarack d’Ottawa, nous avons une équipe baptisée « Mind over Miles » qui collecte des fonds pour l’innovation pratique en santé mentale et nous avons l’intention d’intégrer dans le comité des représentants des patients et des familles, de même que des cliniciens, pour déterminer comment utiliser les fonds recueillis.

Q: L’Hôpital d’Ottawa travaille actuellement à la création d’un nouveau centre de santé et de recherche de pointe pour remplacer le Campus Civic vieillissant. Que signifie ce nouveau centre pour vos patients?

A: Nous sommes extrêmement heureux de la construction de ce nouveau centre et de ce qu’il permettra d’offrir à la collectivité. Le Département de santé mentale prend participe activement à la planification du projet, qui comprend des unités de soins avec chambres individuelles et une cour, un nouveau service d’urgence psychiatrique et des cliniques de pointe. Nous prévoyons également de développer nos services en neuromodulation. Nous aurons donc un espace de guérison et de traitement qui comblera un besoin de longue date dans la collectivité en matière de soins de courte durée en santé mentale.

Q: Vous travaillez sur un « calculateur de risque » afin de mieux prédire l’apparition de troubles de l’humeur. En quoi ce projet est-il si important et unique?

A: J’ai été approché par des collègues en pédopsychiatrie qui ont créé un calculateur de risque pour les jeunes et les jeunes adultes atteints du trouble bipolaire, permettant de prédire la probabilité de récidive d’un trouble de l’humeur. J’ai beaucoup d’expérience auprès d’un grand groupe d’adultes aux cas bien caractérisés, dont le suivi remonte parfois à trente ans. Nous avons utilisé l’ensemble de données portant sur cet échantillon afin d’effectuer une validation externe de ce calculateur de risque – c’est-à-dire pour voir s’il fonctionne toujours dans un contexte différent, avec des patients plus âgés. Nous avons constaté que ce calculateur de risque fonctionnait à peu près aussi bien que ceux utilisés pour gérer les maladies cardiaques, par exemple pour déterminer si un médicament faisant diminuer le taux de lipides pourrait être utile. Les calculateurs de risque ne sont pas encore utilisés en psychiatrie et pourtant, ils pourraient aussi permettre de personnaliser les traitements. Ils pourraient également faciliter la recherche en réduisant les délais et les coûts grâce à la sélection des personnes présentant le risque le plus élevé, ce qui simplifierait l’étude de mesures de prévention. Nous pourrions donc évaluer les avantages des traitements préventifs, qui sont plus difficiles à étudier et, par conséquent, moins étudiés.

Q: Quelle est la chose la plus importante que vous voudriez dire à propos de vous, de L’Hôpital d’Ottawa, de la psychiatrie ou de la santé mentale?

A: Avec nos deux services d’urgence psychiatrique, plus de 90 lits, un programme de jour, des services pour patients externes, une équipe mobile de crise et des programmes spécialisés axés sur les troubles alimentaires, le premier épisode de psychose et la psychiatrie périnatale, notre département est un fournisseur de soins en santé mentale incontournable dans la région. Nos services sont également intégrés dans d’autres programmes de l’Hôpital, comme l’oncologie, et nous travaillons à des intégrations semblables en neurologie et en pneumologie. En plus de nous intégrer à d’autres services médicaux offerts à l’Hôpital, nous formons des partenariats avec d’autres fournisseurs de soins en santé mentale dans la région et avons coordonné plusieurs initiatives avec d’autres hôpitaux et fournisseurs pour améliorer l’accès aux soins.

« Quand je suis arrivée à L’Hôpital d’Ottawa, j’étais extrêmement fragile. Mais quand j’en suis repartie, je sentais que j’allais non seulement survivre à une autre journée, mais m’épanouir. »

Petra Smith