Bourses et prix de recherche

Dr Marc Rodger
Programme d'épidémiologie clinique
Lauréat du prix Chrétien du chercheur de l’année 2014

Lorsqu'un essai clinique qui devait durer deux ans n'est toujours pas terminé au bout de 14 ans, que fait un chercheur? Il panique, abandonne ou passe à autre chose?

S'il s'agit de l'essai TIPPS (étude de la prophylaxie de la thrombophilie pendant la grossesse) et que vous êtes le Dr Marc Rodger, scientifique principal du Programme d'épidémiologie clinique à l'Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa (IRHO), vous persévérez.

Vous tenez bon, vous maintenez le cap et vous consacrez 12 ans au recrutement en vue de l'essai.

Le Dr Rodger voulait savoir si des injections quotidiennes d'anticoagulants au ventre amélioreraient les résultats chez les femmes enceintes ayant un risque élevé de complications à médiation placentaire. Il a été très difficile de trouver des participantes. D'abord, les patientes étaient réticentes.

« Les femmes enceintes qui ont eu des complications feraient presque n'importe quoi pour le bébé. Dans notre essai aléatoire, nous prenions essentiellement les rênes et leur retirions un certain contrôle », explique le Dr Rodger, qui est également chef et directeur de la Division d'hématologie et chef du Programme de thrombose de L'Hôpital d'Ottawa.

De plus, la thérapie à l'essai était devenue pratique courante et de nombreuses femmes recevaient déjà le traitement et ne voulaient pas participer à l'essai. Une femme sur dix a tendance à développer des caillots (thrombophilie) pendant la grossesse et partout dans le monde on avait l'habitude de leur injecter des anticoagulants (HFMM), même si cette pratique n'avait jamais fait l'objet d'un essai approprié.

« Je tenais à trouver des réponses, car c'est important pour ces femmes. À la clinique, il est déchirant de répondre "je ne sais pas" », affirme le Dr Rodger au sujet des questions que les femmes enceintes lui posent couramment sur l'efficacité des anticoagulants à prévenir les complications.

« Ce sont les soins que je donne aux patientes et les histoires poignantes qu'elles me racontent qui me motivent. En l'absence de preuves, je ne voulais pas qu'elles perdent leur temps avec des injections douloureuses et coûteuses, totalisant souvent 15 000 $ pour une seule grossesse. »

Le Dr Rodger réglait les problèmes de l'essai au fur et à mesure. De nombreuses années après le début du projet, la dernière possibilité de subvention a été perçue comme le moment ou jamais d'y arriver, ce qui a encouragé le Dr Rodger. Il a demandé 2,4 millions $ pour étendre l'essai aux États-Unis, en Europe et en Australie en raison de la saturation du recrutement nord-américain.

Cette extension a ajouté de la valeur à son étude, car des essais bien conçus doivent comporter plusieurs centres dans plusieurs pays pour assurer une bonne représentation des divers contextes socioéconomiques, culturels et ethniques.

Les résultats du Dr Rodger, publiés en juillet 2014 dans la revue The Lancet, sont saisissants et définissent la pratique. Dans la majorité des cas, les injections données aux femmes enceintes susceptibles d'avoir des caillots de sang étaient complètement inutiles.

Selon un éditorial de la revue The Lancet, il faut féliciter les chercheurs de l'essai TIPPS pour cette étude rigoureuse et fort utile. On espère que les résultats inciteront enfin les cliniciens à délaisser les HFMM et les chercheurs, à explorer d'autres mesures de prévention potentiellement efficaces.

« Je cherchais la solution magique », mentionne le Dr Rodger, qui a commencé dans l'espoir que les HFMM seraient cette solution.

« Lorsque nous donnions ces injections inefficaces aux femmes enceintes, nous leur disions que nous avions réglé le problème et nous ne faisions aucune étude pour trouver la prochaine solution magique. Pendant des années, nous reportions la recherche et nous ne cherchions pas cette solution », déclare-t-il.

Bien qu'il milite maintenant pour la recherche, ce n'était pas le cas lorsqu'il est devenu médecin. Aujourd'hui, il est reconnaissant d'avoir eu cette première possibilité de recherche.

« J'ai toujours voulu être médecin et aider les patients. Mais sept ans après le début de mes études en médecine, j'ai dû faire un projet de recherche dans le cadre de ma formation. J'étais plein d'entrain à la pensée de répondre aux questions cliniques.

Au début, je voulais répondre aux questions cliniques, mais j'ai fini par souhaiter changer la pratique pour aider mes patients, mais aussi ceux du monde entier, sur plusieurs générations », déclare le Dr Rodger.

L'essai TIPPS démontre qu'il a réussi.