Lorsque « est-il possible » devient « il est possible »

Par Heather Blumenthal

 

Passer de « est-il possible » à « il est possible » est une dure étape à franchir, mais parfois, un simple avancement peut changer la vie des personnes atteintes de cancer.

 

Et si nous pouvions administrer une seule substance, en l’occurrence un virus tueur de cancer (ou oncolytique), pour n’importe quel type de cancer et que ce virus se transforme en quelque chose de personnalisé pour tuer un cancer en particulier – le vôtre. Avec l’aide d’une subvention de projet dynamisant de BioCanRx, c’est le défi que s’est lancé la Dre Carolina Ilkow, scientifique à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa et professeure adjointe à l’Université d’Ottawa, et son équipe (qui comprend le Dr John Bell, directeur scientifique de BioCanRx, le Dr Brian Lichty de l’Université McMaster et de nombreux stagiaires et boursiers postdoctoraux talentueux). Et elle s’empresse de souligner à quel point il s’agit vraiment d’un travail d’équipe.

 

Il s’agit d’un défi en deux parties : premièrement, quel virus oncolytique doit-on administrer et deuxièmement, comment « convaincre » le système immunitaire du patient d’utiliser les informations thérapeutiques véhiculées par ce virus pour combattre les cellules cancéreuses.

 

L’équipe relève la première partie du défi en sélectionnant un virus oncolytique qui, lorsqu’il est administré à une tumeur cancéreuse, peut à la fois cibler directement les cellules cancéreuses et stimuler le système immunitaire du patient pour combattre la tumeur.

 

C’est la théorie générale sur laquelle repose l’immunothérapie. Cependant, cette immunothérapie personnalisée, telle qu’elle est conçue actuellement, nécessite, dans la majorité des cas, l’obtention de cellules immunitaires du patient cancéreux, la manipulation génétique de ces cellules en laboratoire pour qu’elles reconnaissent et tuent les cellules cancéreuses, puis la réinjection des cellules modifiées au patient – une opération à la fois coûteuse et longue, dont le taux de réussite demeure limité.

 

Plutôt que de se concentrer sur la fabrication de thérapies personnalisées pour chaque tumeur en laboratoire, l’équipe a créé un virus oncolytique qui, une fois administré à une cellule cancéreuse, peut « programmer » cette cellule pour produire des vaccins contre le cancer dans l’environnement de la tumeur. Leur objectif est maintenant de tester quatre souches différentes de ce virus tueur de cancer afin de sélectionner les plus prometteuses d’entre elles pour passer aux essais cliniques. C’est la première partie.

 

La deuxième partie du défi consiste à faire en sorte que ce virus tueur de cancer produise un vaccin contre le cancer qui cible une tumeur en particulier. Pour ce faire, il doit s’accrocher aux antigènes spécifiques de la tumeur (les facteurs extérieurs à la cellule cancéreuse qui stimulent une réponse immunitaire).

 

L’étape suivante est l’étape essentielle : on doit indiquer au système immunitaire la meilleure façon de combattre cette tumeur. Pour cette partie du défi, l’équipe étudie les exosomes – de minuscules poches, ou vésicules, qui sont fixées à l’extérieur des cellules et qui facilitent la communication entre les cellules – comme la Dre Ilkow les appelle, le « réseau FedEx » pour les cellules.

 

« Toutes les cellules – les cellules normales et les cellules cancéreuses – doivent se parler pour coordonner leur travail, explique-t-elle. Et les exosomes facilitent cette conversation. »

 

Les exosomes sont déjà produits en grand nombre par toutes les cellules, qu’elles soient normales ou cancéreuses. On veut que le virus oncolytique reprogramme ces exosomes pour qu’ils « parlent » aux cellules immunitaires pour les « éduquer » à reconnaître et à détruire la tumeur. Essentiellement, le processus détournera les exosomes pour détruire les tumeurs.

 

« Une substance unique et universelle peut être administrée à chaque patient et elle se personnalisera à l’intérieur du corps, explique la Dre Ilkow. Nous entraînons la tumeur à se retourner contre elle. »

 

Le processus pourrait transformer la façon dont les immunothérapies sont administrées puisqu’il ne serait plus nécessaire de prélever des cellules immunitaires chez un patient et de les modifier en laboratoire avant de réinjecter les cellules modifiées au patient.

 

« C’est vraiment nouveau et innovant, affirme la Dre Ilkow. Nous sommes très enthousiastes. »

 

« La découverte de cette approche résulte entièrement d’un accident, explique-t-elle. L’équipe travaillait sur un autre projet, lorsqu’elle a vu que des cellules autres que les cellules ciblées mouraient et elle s’est demandé pourquoi. On a déterminé que les cellules ciblées devaient communiquer avec d’autres cellules et leur transmettre des informations précises. Et si, selon l’équipe, c’était à cause de ces communications? On a donc rapidement commencé à se concentrer sur les exosomes comme véhicule de ces messages. »

 

« Nous avons pris ce que la nature nous a appris et l’avons géré de manière à concevoir une nouvelle plateforme thérapeutique, ajoute-t-elle. Maintenant, nous voulons utiliser cette plateforme pour aider les patients. »

 

Ce projet a pour objectif de rassembler les données nécessaires pour appuyer une demande d’essai clinique (DEC) auprès de Santé Canada, première étape pour faire passer la nouvelle plateforme d’exosomes du laboratoire à la clinique, où elle pourra commencer à changer la vie des patients atteints de cancer. Nous nous demanderons alors « comment pouvons-nous » administrer ce traitement et non « pouvons-nous » administrer ce traitement.

 


 

Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.